Leroy-Merlin

"Vicieux", "veut le beurre et l'argent du beurre"... Drôle de surprise pour les intérimaires de l'enseigne Leroy Merlin Valence qui ont découvert qu'ils étaient fichés et que les commentaires étaient insultants.

afp

"Vicieux", "veut le beurre et l'argent du beurre"... Voilà le genre de commentaires peu amènes et sans grand rapport avec les compétences professionnelles d'un salarié, qui ont pour été retrouvés sur un fichier chez Leroy Merlin. C'est un mail envoyé le 5 octobre au DRH qui a sonné l'alerte. Les syndicats ont trouvé sur intranet ce drôle de document recensant ainsi l'ensemble des intérimaires ayant déjà travaillé pour une plate-forme logistique de l'enseigne de bricolage, située à Valence dans la Drôme.

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Fichier normal de suivi au départ, l'ajout de commentaires désobligeants a changé la donne. "Nous enquêtons pour identifier les responsables de cette regrettable situation et condamnons fermement l'existence de ce document", a réagi la direction de Leroy Merlin, qui insiste sur le caractère "isolé" de cet acte. L'affaire rappelle celle, dévoilée fin septembre, qui a frappé Radio France. Les candidats pour entrer au planning de la radio publique avaient eu la désagréable surprise de découvrir que le jury avait assorti ses remarques sur leurs travaux, de moqueries et autres commentaires humiliants. D'autres cas se sont également produits ces dernières années à France Télévisions ou à la SNCF, suscitant à chaque fois un tollé chez les salariés et leurs représentants, et des excuses embarrassées des employeurs.

"Les salariés évalués peuvent avoir accès à ce qui est écrit"

Certes, les employeurs ont le droit d'établir des fichiers sur leurs salariés, mais sous certaines conditions. D'abord, il faut que les critères mis en avant dans ledit fichier soient uniquement professionnels. "La présence de commentaires dégradants ou injurieux ou discriminants constitue un délit", commente maître Eva Touboul, avocate en droit du travail.

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Autre obligation: la publicité de la procédure. En clair, aucun fichier clandestin n'est autorisé. La mise en place d'un document de cette nature ou de tout fichier destiné à évaluer les salariés doit être annoncée aux salariés. "Il faut informer les délégués du personnel de la mise en place de ce genre de fichier", poursuit l'avocate. L'entreprise doit clairement préciser qui elle entend évaluer, qui y aura accès et selon quelles modalités les informations seront conservées. Enfin, les salariés évalués peuvent avoir accès à ce qui est écrit sur eux.

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Au droit du travail, s'ajoute ici la question des données personnelles et de leur collecte. Là aussi, la règle est stricte. L'entreprise qui compile des éléments privés doit en informer la CNIL. "Nom, prénom, adresse physique ou mail sont autant de données personnelles, explique Romain Perray, avocat spécialiste en la matière. Par ailleurs, un principe de "minimisation de la collecte" prévaut, c'est-à-dire qu'il faut que les éléments collectés ne soient pas excessifs." Trop d'informations ou des informations non pertinentes sont donc proscrites.

Le salarié peut se retourner contre l'employeur

Chez Leroy Merlin, outre l'enquête pour identifier le(s) fautif(s), on compte bien procéder à un petit rappel à la règle. "Le principe est assez simple, mais il a besoin d'être répété à nouveau, commente Marc Renaud, directeur de la communication interne du groupe Leroy Merlin. Nous refusons que des commentaires de cette nature soient inscrits dans un document interne."

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Une précision à laquelle chaque employeur a intérêt à se plier puisqu'il est responsable de ce qui se passe dans ses murs. "Un salarié découvrant qu'il fait l'objet de remarques injurieuses ou discriminatoires peut se retourner contre l'entreprise et obtenir, via une prise d'acte, la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur", prévient Eva Touboul.

Dans "l'affaire" Leroy Merlin, les personnes concernées ne sont pas salariées mais intérimaires. "Ils ne pourront pas se retourner aux prud'hommes contre l'entreprise puisqu'elle ne les emploie pas, nuance l'avocate. Mais leur société d'intérim pourrait elle se retourner contre l'entreprise, et la nature des propos peut de toute façon constituer un délit."

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