La loi prévoit des dispositions particulières pour les femmes enceintes au travail.

La loi prévoit des dispositions particulières pour les femmes enceintes au travail.

Getty Images

"Lorsque j'ai annoncé ma grossesse à mon employeur, il a laissé échapper un 'mince' avant de se reprendre et de me féliciter avec le sourire. Les mois qui ont suivi ont été très éprouvants: pas de remplacement organisé, aucun dialogue. Et je n'ai pas retrouvé mon poste au retour de mon congé parental", témoigne Isabelle, 34 ans, aujourd'hui maman d'une petite Lou de 6 ans.

Publicité

Selon un sondage Odoxa pour la Fondation Premup, quatre femmes sur dix auraient vécu leur grossesse au travail comme un moment difficile. 12% des femmes interrogées ont même caché leur état à leur employeur le plus longtemps possible, craignant la réaction de leur chef.

Ne pas tarder à l'annoncer

La majorité des femmes annoncent leur grossesse au troisième mois, après avoir passé la première échographie et que les principaux risques de complications sont écartés. Maître Eva Touboul, avocate à Paris, rappelle cependant que le Code du travail ne les oblige pas à respecter ce délai, ni d'ailleurs à annoncer leur grossesse à leur employeur. "Cela étant, sans cette déclaration, elles ne peuvent pas jouir de leurs droits spécifiques, notamment celui de se prémunir d'un éventuel licenciement", nuance-t-elle.

LIRE AUSSI >> "Moins la tête au travail", "manque d'ambition"... Les clichés sur les femmes enceintes perdurent

"Si une salariée enceinte qui n'a pas annoncé sa grossesse est licenciée, elle bénéficie tout de même de 15 jours pour faire annuler la procédure en justifiant son état", précise Me Touboul.

"Instaurer un dialogue transparent"

François Enius, conseiller en management et en ressources humaines, recommande lui de ne pas trop retarder l'annonce afin d'éviter que l'employeur n'apprenne la nouvelle par un collègue indiscret ou devant la silhouette arrondie de son employée. "Prendre les devants, c'est montrer que l'on veut organiser le travail au mieux autour de cette grossesse. C'est le meilleur moyen d'instaurer un dialogue transparent et responsable pour les mois à venir", insiste-t-il.

Pour l'annonce, il déconseille fortement le mail et préconise un rendez-vous ou a minima un appel téléphonique. Enfin, il est plus prudent de doubler cet échange par l'envoi d'une lettre recommandée avec le certificat du médecin-ou d'une remise en main propre contre décharge- qui stipule la date de début de grossesse et donc celle du congé maternité.

Gérer les imprévus

Concernant les absences autorisées, le Code du travail autorise les femmes enceintes à se rendre aux sept examens médicaux obligatoires prévus par l'Assurance maladie sans contrepartie. Néanmoins, si l'employeur le demande, ces absences -considérées comme du temps de travail- doivent faire l'objet d'un justificatif du médecin.

En cas de besoin imprévu de quitter son poste (nausées trop fortes, saignements), tout dépend des us et coutumes au sein de l'entreprise. "Au premier trimestre j'ai cru faire une fausse couche car je ne ressentais plus aucun symptôme. Je me suis absentée en pleine après-midi pour voir mon gynécologue en prévenant seulement mes collègues directes. J'ai apporté un certificat le lendemain", se souvient Claire, mère de deux enfants. En effet, toute absence non justifiée peut être reprochée à la salariée.

Des dispositions spécifiques

Le Code du travail interdit le travail de nuit des femmes enceintes et oblige l'employeur à proposer à la future maman un poste de jour. En cas d'exposition à des substances toxiques ou de pénibilité du travail (debout toute la journée par exemple), si l'employeur ne prend pas les devants, la salariée a tout intérêt à consulter un médecin du travail qui pourra signer une fiche d'inaptitude et donc obliger l'employeur à proposer une solution.

Par ailleurs, certaines conventions collectives prévoient des aménagements spécifiques comme la réduction du nombre d'heures travaillées en fonction du temps de transports, le télétravail, des jours supplémentaires de congés, des dispositions pour allaiter.

Faire valoir l'intérêt des deux parties

"A la fin de ma grossesse, mon supérieur a évité de me confier des missions qui m'obligeaient à me déplacer. Ainsi, je ne me suis pas trop fatiguée dans les transports. A la toute fin, je travaillais même un jour sur deux de chez moi", raconte Louise, 33 ans, chef de projet culturel.

Si la discussion est difficile avec le/la supérieure hiérarchique, le service des ressources humaines peut être un bon relais pour adapter le cadre de travail aux éventuelles contraintes d'un poste. "L'important dans la négociation est de toujours faire valoir l'intérêt des deux parties. 'Si je me porte mieux, je travaillerais le plus tard possible' est un message efficace", observe François Enius.

Pour un congé maternité serein

Ce dernier conseille aussi d'évoquer tout de suite la période d'absence à venir et le recrutement éventuel d'un remplaçant pendant le congé maternité et/ou la réorganisation des tâches au sein de l'équipe. "C'est une bonne façon pour les femmes de rester aux commandes, de montrer qu'elles se projettent dans leur entreprise après l'accouchement", précise le spécialiste.

Ce congé maternité dure seize semaines pour une grossesse "classique", 26 semaines pour un troisième enfant, 34 semaines pour une grossesse gémellaire.

Un congé pathologique de 15 jours prescrit par le médecin peut s'ajouter avant la date de début du congé. Un congé de suites de couches pathologiques d'un maximum de quatre semaines peut également être prescrit. Il est indemnisé comme un congé maladie.

Selon les situations, leurs envies et besoins, les femmes ont aussi la possibilité d'aménager leur congé maternité en répartissant différemment les jours à prendre avant et après la naissance de leur enfant.

LIRE AUSSI >> Enfant: quelles formalités administratives à la naissance?

Garder le contact... si on le souhaite

"Pendant un congé maternité, il est totalement exclu qu'un employeur demande à une salariée de travailler", rappelle Me Touboul.

En revanche, rien n'empêche les femmes qui le souhaitent de suivre à distance les activités de leur entreprise. Des exemples possibles: déjeuner de façon informelle avec ses collègues, envoyer un faire-part de naissance, passer présenter son bébé. "Lorsqu'elles dirigent des salariés, j'encourage même les femmes que je coache à appeler leurs équipes régulièrement", précise le spécialiste du management.

Fixer des perspectives d'évolution

En somme, garder le contact de façon conviviale peut être une bonne manière de préparer son retour.

"Pendant la grossesse, le congé maternité et les dix semaines qui suivent le retour de congé maternité, la salariée est protégée contre le licenciement sauf en cas de faute grave et/ou d'impossibilité de maintenir le contrat. En cas de congés payés collés à la période du congé maternité, la protection des dix semaines est reportée à la fin des congés", affirme Me Touboul.

Cette dernière rappelle également que le code du travail prévoit un entretien d'évolution au retour des salariées dans l'entreprise pour fixer les perspectives d'évolution et d'éventuels besoins en formation.

Enfin, les mamans peuvent décider de prolonger leur congé maternité par un congé parental total ou à temps partiel qui doit être demandé par lettre recommandée un mois avant le terme du congé maternité et ne pourra pas être refusé par l'employeur.

Lors d'un congé parental -qui correspond à une suspension du contrat de travail- la salariée n'est en revanche plus protégée d'un possible licenciement.

Publicité